Review (VF) : 7ème Mer – 2ème édition

Ça fait un moment que j’ai envie de vous parler de la seconde édition des Secrets de la 7ème Mer. J’ai envie de bien faire, du coup je me suis décidé à vous le proposer comme suit :  dans ce premier article, je vous parlerai de la 2ème édition en général, de ce que j’ai aimé et de ce que j’ai moins aimé. Cette analyse se fonde sur tous les bouquins sortis de la gamme actuelle, et servira de base pour les articles ultérieurs qui traiteront des compléments individuellement.

Prêts ? Larguez les amarres, les amis !

Fiche technique

Éditeur : Studio Agate

Pagination : 303 pages

Résumé : 7e Mer est un jeu de rôle sur table qui fait la part belle au genre de cape et d’épée, aux machinations, à l’exploration et à l’aventure. L’action se déroule sur un continent nommé la Théah, lieu de magie et de mystère inspiré de notre Europe. Les joueurs y incarnent des héros impliqués dans des conspirations à grande échelle et dans de sinistres complots. À eux d’explorer les antiques ruines d’une race depuis longtemps disparue et de protéger les dignes rois et reines de Théah de perfides assassins.

Un peu d’histoire pour commencer

7ème Mer, c’est un jeu de rôles de cape et d’épée librement inspiré (voyez ça comme un hommage) du passé des nations qui composent notre globe (sauf l’Asie qui est une gamme à part entière). Les joueurs incarnent des héros redresseurs de torts qui mettent à bas des tyrannies, dans un style cabotin classy. Le monde n’est pas manichéen pour autant, mais il est demandé aux joueurs de créer des personnages lumineux, héroïques. C’est un parti pris du jeu dès le départ, dont j’entends qu’il ne pourrait pas plaire à tout le monde, mais le principe est clairement énoncé et évitera les déconvenues. 

C’est le canevas général qui était déjà présenté dans la première édition, à laquelle j’avais déjà accroché à l’époque. Pour les détails de notre première rencontre, je vous renvoie à ma chronique “Archives de campagne”

Un jeu qui a su s’adapter aux préoccupations de son époque

Peu de jeux cherchent à être activement militants dans leur démarche de création. Ici, c’est le cas : John Wick arrive à composer un univers héroïque dont le fond a été pensé pour être le plus égalitaire possible. C’est totalement assumé de sa part et c’est ce qui m’a, sans doute, le plus marqué dans cette nouvelle édition, bien des années avant que Wizard of the Coast ne fasse un « mea culpa ».

Pour commencer, intéressons-nous à la représentativité des genres. J’ai parcouru tous les PNJ dans la gamme parue en français. Parmi les « personnalités importantes », j’ai dénombré 99 PNJ masculins et 86 PNJ féminins (oui j’ai fait le compte et c’était long). Les femmes sont donc quasiment autant représentées parmi les PNJ que les hommes, ce qui est assez rare pour le souligner. De plus, il faut noter que la grande majorité des PNJ sont “gender-swapable”, c’est-à-dire que leur genre pourrait être changé sans que cela modifie foncièrement son background ou ses objectifs personnels. Et lorsque le genre des personnages est au centre du récit, c’est bien souvent pour souligner un sexisme flagrant, comme c’est le cas notamment dans la nation Vodacce.

Ensuite, John Wick s’est montré respectueux des cultures rencontrées dans son jeu. Souvent, en jeu de rôle (et dans d’autres médias), l’écueil sur lequel trébuchent les auteurs et autrices est celui de l’ethnocentrisme ou de l’exotisation dans leurs descriptions de nations ou de PNJ étrangers. Dans le cas de 7ème Mer, 2ème éd., John Wick a confié la rédaction des compléments sur le Moyen-Orient et celui sur l’Amérique à des personnes directement concernées par le sujet. J’ai trouvé particulièrement rafraîchissant et inspirant de lire des récits originaux loin des poncifs du genre, écrits dans une démarche bienveillante. 

Mieux encore, son univers refuse à l’Occident sa domination historique. Pour une fois, pas de glorification du colonialisme. Ça ne veut pas dire que les nations ne se rencontrent pas, mais plutôt qu’aucune n’a réussi à dominer les autres, et que chacune a des choses à apprendre aux autres. 

Enfin, John Wick en a profité pour affiner les lignes directrices de ses nations afin de rendre les enjeux en place les plus clairs possible. Concrètement, il y a d’un côté les nations injustes (ex : la Vodacce où les femmes, de par leurs dons occultes, sont esclaves ou presque des hommes). De l’autre, les nations qui se sont libérées de leurs travers mais peinent à trouver un équilibre (ex : la communauté Samartienne et sa jeune démocratie). Soit on combat le pouvoir en place, soit on tente de le fortifier. Évidemment, en tant que joueur, on ne vous oblige à rien : vous pourriez choisir de soutenir des tyrans, mais ce n’est pas l’objectif, c’est tout.

En bref : c’est un excellent boulot de réécriture qui respecte l’œuvre initiale tout en modernisant son ton.

Un navire pour les réunir tous, un navire pour vivre la plus grande des aventures !

Des règles au service du récit mais qui ne sont pas sans défaut

Niveau règles, c’est un véritable tsunami qui a eu lieu.  

On jette toujours des D10 mais pour le reste, c’est un nouveau système. En gros, vous jetez le nombre de dés correspondant à Attribut (carac) + Compétence et combinez les résultats pour obtenir des « 10 ». Chaque « 10 » représente une réussite et influence le déroulement de l’action.

Exemple : Vous tentez de fuir discrètement la demeure d’un riche noble corrompu. Vous jetez “Finesse + Furtivité”. Vous additionnez vos dés et obtenez une première somme de valeur « 10 » qui confirme que vous avez réussi à quitter l’endroit. Une deuxième addition donnant « 10 » pourrait vous permettre d’avoir vu un détail intéressant en chemin, ou bien d’avoir repéré des documents compromettants. Si en additionnant le reste de vos dés vous arrivez une troisième fois à « 10 » cela  pourrait indiquer que votre voie de sortie pourrait être utilisée à nouveau à l’avenir.
Au contraire Si vous n’avez pas de somme donnant « 10 », rien ne dit que vous avez échoué à vous enfuir. Vous êtes peut-être juste en train de courir poursuivi par des gardes hors de la demeure, ou bien que vous êtes entré par inadverrance dans la chambre du propriétaire des lieux au moment même de son assassinat – faisant de vous le coupable tout désigné.

En soit, l’idée n’est pas révolutionnaire. Ce n’est pas le premier JDR qui voit les échecs non pas comme un frein au récit mais comme une autre façon de la poursuivre. Ceci étant, l’idée de narration collaborative entre PJ et MJ est très pertinente. Elle donne un ton résolument héroïque faisant la part belle aux rebondissements et aux complications de l’histoire.

Trois petits bémols néanmoins !

Tout d’abord ce système demande une sacré gymnastique intellectuelle, et donc un peu laborieuse pour trouver des effets et descriptions sur le moment. Le joueur risque d’être frustré ou en désaccord par rapport aux « objectifs bonus » que le MJ propose. 

L’autre souci vient du fait que les magies sont relativement débridées. La puissance qu’elles peuvent représenter a de quoi déséquilibrer une table. Dans une optique narrative, ce n’est pas grave car l’objectif est de jouer ensemble et un joueur peut auto-censurer sa puissance pour laisser chacun avoir sa place. Mais ce n’est pas toujours le cas de tout le monde, et le risque de se retrouver avec un demi-dieu “incadrable” est réel. 

Dernier petit regret : à réduire les règles, on a perdu les écoles d’escrime. Bon c’est paradoxal chez moi parce que j’aime pas les règles en général. Mais dans 7ème Mer j’adorais pouvoir faire des duels entre les gens de différentes nations ayant chacun leurs techniques locales. C’est toujours possible actuellement mais je trouve les styles moins exhaustifs dans leurs descriptions et du coup moins colorés dans les mécaniques.

En bref : clairement le système n’est plus le même, et c’est une bonne chose. Ce qu’on perd en complexité mathématique est compensé par le plaisir de raconter les jets et faire vivre les résultats.

Une histoire trop vaste pour pouvoir en admirer les détails

Je ne vais pas m’étendre sur l’univers lui-même car il fera l’objet d’articles portant sur les compléments de la gamme. Néanmoins pour être complet quant à ma critique, il me faut quand-même aborder un dernier souci. 

Le contexte est dynamique et riche en histoires et chaque nation propose une ambiance et un thème de campagne différents. De ce côté, vous ne risquez pas d’être déçu. Les nations étant liées les unes aux autres, et non pas juxtaposées de façon artificielle, le résultat est donc assez propre. Mais l’ensemble est tellement vaste qu’il s’accompagne d’un souci de précision. Comme l’auteur brasse large, le MJ doit prévoir un gros travail d’appropriation. 

Au début, ça m’a un peu rebuté car j’avais du mal à visualiser quelles histoires je pourrais raconter avec le matériel fourni. Puis, en partant non pas de l’histoire du monde, mais dans les thèmes que je cherchais à aborder, les histoires ont commencé à prendre vie et les nations sont davantage devenues des outils que des finalités en soi.

Le style de cape et d'épée, c'est aussi des chevelures de folie !

En bref

7ème Mer propose un univers qui fait la part belle à l’improvisation dans le plus pur style des histoires de cape et d’épée, dans une volonté de bienveillance qui est vraiment à souligner. Le jeu demandera au MJ et aux joueurs de la créativité et de la spontanéité, mais n’est-ce pas là l’essence même des héros ?

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