Parmi les mariages heureux, il y a celui du Studio Agate et des éditions Acheron Books qui nous permet d’avoir les petites pépites de l’éditeur italien dans la langue de Molière. Le premier bébé était BRANCALONIA, le setting « Fantasy Spaghetti » pour DD5. Hommage à une ambiance légère où les bagarres d’auberge sont la base d’une bonne histoire et où les dragons sont des banquiers pleins de bagouzes. C’était une proposition rafraîchissante qui arrivait à tirer du système DnD un autre ambiance, rien que ça c’était déjà un exploit.
Aujourd’hui on est moins dans la pantalonnade car le bébé en question s’attaque à une autre facette des histoires à l’italienne en vous proposant rien de moins que d’arpenter la « Divina Commedia » de Dante. Une œuvre littéraire qu’on vous transpose en D20 avec une direction artistique à pleurer des larmes de bonheur, c’était trop de qualificatifs pour que je n’en fasse pas un petit billet !
La review se base sur le kit de démarrage qui propose un résumé du jeu, un scénario et quatre prétirés. Elle n’a pas vocation à être finie et attendra le produit final dans mes mains pour achever l’ouvrage.
Fiche technique
Résumé: La Divine Comédie, l’œuvre de Dante Alighieri, connue et étudiée dans le monde entier, est tenue pour l’un des chefs-d’œuvre de la littérature. L’Enfer est le premier Cantique de La Divine Comédie qui en compte trois, les deux autres étant le Purgatoire et le Paradis. Ce premier Cantique est le chant d’ouverture de l’ensemble de l’œuvre : il donne l’idée du «chemin » que devra parcourir Dante pour retrouver Béatrice, mais surtout monter vers celui «qui en tout lieu gouverne », c’est-à-dire Dieu. Inferno adapte La Divine Comédie en un jeu de rôle sur table, le tout motorisé par les règles de la 5e édition
« Incipit Comedia Dantis Alagherii, Florentini natione, non moribus »
Dans « Inferno » Les joueurs incarnent des vivants perdus dans les cercles des enfers appelés « voyageurs». Le MJ, lui, a deux rôles D’une part, il incarne le « Guide » qui est l’envoyé de puissance supérieure afin de guider les travellers sur le chemin d’une possible rédemption, et d’autre part, il est le MJ dans le sens classique du terme. Deux facettes finalement de la narration de l’histoire : le devant et le derrière du rideau de la scène (ou de l’écran autour de table).
“Il n’est pire douleur que le souvenir du bonheur au temps de l’infortune.”
On est dans de la poésie qui respire, autant vous dire que vous n’allez pas créer un personnage et chercher à optimiser sa fiche aux petits oignons. Vous allez donner vie aux mots de Dante et devenir un « Égaré », un mortel qui a atteint les enfers à sa mort et qui espère pouvoir le quitter. Notez que le mot espoir n’est pas synonyme de réussite. Comme dirait l’auteur, il vaudrait mieux ne pas trop y croire.
Au chapitre des petits plaisirs coupables d’être un « égaré », sachez que puisque vous êtes donc vivant, vous projetez une ombre et vos pas laissent des traces… à la différence des morts qui hantent les cercles des enfers. Tout cela vous rend donc visible et goûteux pour les bêtes infernales. Joie infernale, mes amis !
Niveau mécanismes, il n’y a pas de race jouable puisque votre entrée dans les enfers vous transfigure. Ce qui va importer c’est votre archétype (la voie qu’un perso acquiert aux alentours du lvl 3 dans DnD) importe c’est ce que vous avez été de votre vivant,
Ces archétypes quittent les sentiers habituels pour tirer de chaque classe tout le mal que avez pu commettre. C’est le même brio que l’on avait déjà dans Brancalonia, et z’allez voir c’est très plaisant !
Dans le Kit vous avez mis en avant le Tyran (Guerrier) aux champs de batailles sanglants, l’Iluminatus (Mage) qui s’est laissé ronger par la nécessite d’accumuler les biens matériels pour ses recherches occultes, l’Exilé (Ranger) qui a fui ses responsabilités (Par exemple un déserteur) et le Saint (Paladin) qui en servant son dieu a perdu la foi. On évoque les autres possibilités mais les classes ne seront pas plus développées dans le kit. Le choix semble au final large et confirmera que vous n’êtes pas là pour incarner un type bien. Choisir un archétype, c’est aussi définir les pouvoirs que vous accorde Lucifer dans son Royaume. Car oui vous venez de le lire, ce bon Lucifer ne vous veut pas mort (ça il en a déjà plein), il veut que vous utilisiez ses charmants dons pour survivre et vous damner. Sympa non ?
On parlait espoir que ce bon Lucifer veut vous voler. L’espoir c’est la conviction que si vous rejoignez le monde matériel et quittez les enfers, il vous est encore possible de vous rédempter et de recevoir la grâce du Seigneur. Tant que vous en avez, vous continuerez à avancer. Une fois perdu, vous cédez à Lucifer et votre personnage devient PNJ. C’est la seule façon de « disparaitre » dans le jeu, car la mort n’est pas une fatalité dans les Enfers. Cette ressource ne pouvant se récupérer que soit par le don d’un autre de son propre espoir soit dans des rares endroits des enfers. Vous vous doutez que les mécanismes du jeu vont vous pousser à l’utiliser et ne le régénérer que suffisamment rarement pour vous tenir la tête hors de l’eau.
Niveau mécanismes, rien à redire. J’aime bien la réinterprétation des classes, j’aime que ce qui tue n’est pas la mort. Le tout a un côté fatidique, déchéance lente avec des sursauts d’héroisme qui peut donner une bonne histoire.
“Chacun a une idée confuse d’un bien où son âme puisse se reposer ; il le désire, par suite, il s’efforce d’y atteindre.”
Les Cercles des Enfers ne sont pas tous décrit dans le Kit mais voilà ce qu’on peut en retirer.
Tout d’abord, licence poétique oblige, les enfers sont au centre de la terre là où Lucifer est tombé avec ses alliés. Une immense forêt est apparue avec les siècles entre les enfers et notre monde, la forêt sombre. Une fois cette forêt franchie, vous vous trouverez dans l’antichambre des enfers peuplée de ceux qui n’ont pas choisi de camp dans la guerre du bien et du mal. Ensuite vous rencontrerez les eaux noires de l’Achéron qui sépare l’Antiferno des Limbes. Plus loin vous pourrez trouver la Cité de Dis. Un voyage magnifique et évocateur !
Au niveau des protagonistes rencontrés par les « Voyageurs», on évoque les âmes déchues qui jalousent ceux qui ont encore de l’espoir – tout en les suppliant de traverser les cercles des enfers, porter des messages pour eux ou encore leur raconter leur vie, faisant parfois écho aux passés des travellers. Le reste – diables et créatures mythiques – ne sont pas mentionnés et le seul aperçu se trouve dans le scénario avec Caronte (Charon dans nos contrées francophiles) et un ange apathique.
Avec ce peu d’information, on peut quand même apercevoir les teneurs d’une ambiance pesante, assez sinistre qui sert le concept de descente aux enfers.
« Certains attendent que le temps change, d’autres le saisissent avec force et agissent. »
Reste la question du “est-ce que DD5 se prête à une pareille histoire” ?
Le scénario proposé plonge les joueurs dans la Sombre Forêt, après qu’ils aient tenté de monter à bord de la barque de Caronte . Celui-ci, rétif à aider des vivants, pourrait se laisser convaincre si lesdits vivants enquêtaient pour lui sur une créature qui amasse des âmes en toute impunité.
Niveau histoire, on voit le squelette classique d’un scénario DD5. De l’investigation, un peu de voyage et une confrontation finale. Dit comme ça, ce ne serait pas néanmoins rendre hommage à l’habillage qui va faire la différence.
L’ambiance est retranscrite dans les encarts de l’histoire et donne une tonalité propre à l’univers de la Divine Comédie. Le conflit final et son protagoniste fonctionnent bien et offre un adversaire qui donne le change. Il manque des interactions avec les morts, et c’est sans doute là que je retravaillerais un peu le scénario pour utiliser toutes les propositions évoquées par le kit de démarrage.
Le système fonctionne donc et l’histoire est efficace. Bien sûr il ne faut pas être réfractaire à lancer les dés mais quelque part c’est un peu le marché proposé par le jeu.
Pourquoi le pledgeriez vous ?
Tout d’abord faut dire, Acheron sait ce qu’il fait. Brancalonia l’avait déjà montré mais la maison d’édition a un talent pour transcender DnD et défendre des univers originaux.
Ensuite le jeu proposera une campagne clé-en-main et avouez que de pouvoir dire à ses joueurs « Bon ben là on va se faire la Divine Comédie version D20 » ça a quand même un sacré panache.
Et puis y a la DA qui est sublime. Du coup même si vous êtes plutôt collectionneur, vous ne serez pas déçu par l’ouvrage en lui-même.
Et enfin, c’est le petit truc qui m’a touché mais le Studio Agate propose (un tirage à 1000 exemplaires si ma mémoire est bonne) la Divine Comédie elle même en achat complémentaire.
Egarez vous bien et plongez dans un univers Dantesque (J’assume mon jeu de mots)