Review (VF) : Brancalonia (DD5)

Brancalonia, c’est un sacré coup de cœur ! Jouer des petites frappes dans un univers poisseux à manger de la soupe aux cailloux entre deux casses dans un univers picaresque, c’est jubilatoire !

Le jeu nous narre le Royaume d’Etat-lie, étrange patchwork de cités indépendantes où la débrouillardise, la souplesse morale et la canaille l’emportent sur le bon droit. Et ce n’est pas le Père Ternel et les Saints du Calendrier qui iraient redresser tout ça. La Cité Vaticine, le cœur de la foi, n’est jamais qu’un autre joyeux bordel où l’on truande en soutane.

Y a à dire sur ce jeu, alors je propose qu’on se fasse une petite review façon Quarantenaire et qu’on voit si la recette globale s’en sort !

Fiche technique

Éditeur : Studio Agate (VF) Acheron Books (VO Anglais et Italien)
 
Résumé : Brancalonia est un jeu de rôle médiéval imprégné par la culture italienne, dépeignant un univers picaresque dans lequel vous incarnez des antihéros et des mercenaires flamboyants. Brancalonia utilise le système de jeu de la 5e édition du plus vieux des jeux de rôle. Il sera compatible avec la gamme Dragons.
 
La campagne de financement participatif pour la VF aura lieu du 4 au 18 janvier 2022.

Castigat ridendo mores

En préambule, sachez un truc ! Brancalonia est pétri de jeux de mots, d’approximations linguistiques, de pantalonnades verbeuses et quoi que j’écrive, je ne rendrai pas hommage à tout ça. Aussi, pour chaque paragraphe, faites-moi plaisir, ajoutez dans votre tête des nouveaux mots pour faire vivre le verbe !

Pour commencer, deux trucs que je pense important de placer :
Tout d’abord, le monde d’Etat-lie est injuste par essence, il est pétri de misogynes baveux, bourré de gras intolérants et de riches enfoirés. C’est le genre qui veut ça mais ce genre à la manière de la Commedia dell’arte est là pour moquer des despotes, pour déshabiller les étriqués et pour décatir les rustres. L’histoire est et sera toujours du côté du peuple pour rire aux dépens des gesticulateurs puissants ! Connaissons les codes pour les raconter sans jamais les banaliser !

Ensuite, oui, c’est motorisé pour DD5 et ça signifie son fatras de règles annexes. C’est une contrainte et tout le monde n’aime pas les systèmes complexes. De ce côté, l’article ne viendra pas vous rassurer. Oui, Brancalonia assume son ADN D20 et ne transfigure pas le jeu.

Mais d’un autre côté, le jeu se veut low fantasy et plafonne la puissance des joueurs au niveau 6. Ca reste donc la partie de DD5 la plus accessible et pas trop contraignante. De plus, les règles ajoutent vraiment une couche de « crapulerie » avec un système d’équipement de mauvaise qualité, des jeux de taverne et des bagarres d’auberge avec des prises spéciales selon les classes ou les espèces… Tout un programme, je vous dis !

Et enfin si vous aimez hacker les univers avec vos propres systèmes, vous devriez pouvoir trouver votre bonheur parce que le cadre en vaut la peine, indépendamment du système de jeu. C’est aussi la preuve, à mon cœur, que de rendre libre le système DD5 a été le smart move de WotC, parce que les meilleures histoires c’est pas eux qui les produisent mais c’est sur leur système qu’on se base.
Voilà, les préambules sont finis !

“J’ai pas compris... Y a un mec avec une robe bleue qui passe son temps à demander aux gens s’ils ont menti. Franchement, quelle drôle d’époque.”

Campons le décor

L’univers est truculent comme il faut. En gros, L’Etat-lie va vous permettre de trouver ribauds à votre goût parce que chaque province propose un thème différent.

Vous voulez accentuer l’aspect léger et fantastique, La Torrigianie et son vivier féerique rempli de lieux oniriques vous tend les bras. Vous êtes plutôt Cité des voleurs et campagne ravagées par des mercenaires, y a l’Alazie, la Volturnie et la Spolétarie qui donnent ses lettres de noblesse à l’esprit d’entreprise crapulesque. Après, vous voulez du un peu plus structuré mais où on se zigouille dans les z’allées, la Vortiganie et sa culture des assassins, des marchands véreux et de marins sans scrupules vous offre ses dagues !

Si vous étiez plutôt parti sur une salaison saignante, façon horrifique, balancez vos joueurs en Pénombrie et ils devraient vous supplier de revenir à leurs problèmes de gardes royaux ! D’ailleurs, tant qu’à parler de la royauté, on peut aussi aller en Falcamont où la chevalerie n’est pas un vain mot (enfin, pour le commun, parce que vos personnages ne sont pas là pour faire dans le mièvre).

Enfin, pourquoi ne pas explorer les Sept Mers et demie en compagnie de la Balourderie, des boucantins, des ziganes ou des pirates de la mer Charybdéenne ? (Et quand je parlais de jeux de mots, c’est à ce genre-là auquel je pensais <3 ) !

Ce qui est intéressant dans tout ça, c’est que même si parfois y a de sacrés écarts entre deux régions, ça reste crédible. Ce n’est pas toujours totalement raccord mais ça se tient suffisamment pour que votre bande de gredins n’ait pas trop de problèmes à s’imaginer le tout.

Que les personnages s’avancent !

Niveau des classes, faut dire qu’il va falloir proposer du concis. Parce que je vous rappelle, qu’au niveau 6 vous êtes accompli ! Je ne vais pas vous les lister tous mais rien que les noms sont goûteux comme il faut. Le Benandante, le Matador, le Guiscard ou le Supersticien, c’est des joyeux mots qu’on a envie de raconter.

Et puis y a le Spadassin dérivé du Guerrier. Soit il augmente ses dégâts lorsqu’il en duel, soit joue sur l’esquive pour améliorer ses chances. Y a a aussi l’Arlequin, qui ajoute son Charisme à sa CA puisque « Pas besoin d’armure quand t’as un costume », ou qui peut dérouter l’attaque de son adversaire (selon moi en prenant une pose obscène).

Et puis zut mais je citerai aussi le Frère (le nouveau Moine) avec la Voie de la Castagne et son célèbre credo : «Ora et cognera », «Tends l’autre pogne», «Que ta paume soit forte comme le fer et douce comme la plume »…. Et un dernier pour la route : le Chevalier errant qui peut invoquer sa monture pour participer aux bastons d’auberge. Bref, le jeu est généreux, léger, et renvoie régulièrement à cette ambiance médiévale spaghetti.

Et il me reste à parler des espèces parce que z’allez voir qu’elles en valent aussi la peine !

Y a l’Humain qui est bien égal à lui-même et son cousin le Mystique qui a juste des origines bien cheloues avec un petit sort dans les poches. Y a le Sylvain bien velu (jusqu’à la toison des deux sexes, c’est marqué dans le bouquin) avec ses gros muscles et ses affinités avec la nature. Et enfin y a le Morgant et son appétit littéralement ogresque, qui fait deux têtes de plus que les autres mais n’en est pas moins futé.

Mais si vous voulez du plus exotique, y a aussi la Malebranche qui a renié les enfers pour devenir enfin mortel, et la Marionnette qui au contraire botterait les fesses de la bonne Fée Bleue si elle venait à en faire un petit garçon bien sous tous rapports.
Avouez qu’ils sont là pour être adoptés et que ce serait cruel de pas le faire.

En gros, univers bien grande gueule, classes et espèces qui ne font pas dans la finesse, c’est l’esprit Fantasy Spaghetti qui décolle !

“J’étais chaud pour le plan, pas parce qu’on se planque depuis trois semaines près des fours à pain. Juste parce que j’en ai marre de grailler des miches à moitié cuites et d’être réveillé aux aurores par des mecs qui pétrissent leur pâte.”

Acte I, Scène I…

Reste plus comme corde à ma mandoline que de vous parler des scénarios proposés, ou plutôt des “corvées”, comme on dit dans le milieu.

Les histoires sont simples. A chaque fois un synopsis, des baffes du chef qui se perdent et un coup de pied dans le fondement pour motiver les troupes ! On enquête, on magouille, on prend les rumeurs qui viennent et il y a même un semblant de donjon à un moment pour pas trop perdre les habitués. Sachez que vous allez aussi emmerder les morts et retrouver Pinocchio qui s’est sans doute pas enfui juste pour devenir un gamin bien sous tous rapports. Tout un programme !

Chacun de ces scénarios peut se jouer en une à deux soirées, ce qui fait au total une dizaine de soirées offertes par la maison. Il vous restera plus qu’à faire le casse final qui marque l’apothéose, malheureusement pas fourni avec. Après, il suffit d’imaginer un dragon plein de bagouzes qui organise son anniversaire dans sa villa pépouze. Vos PJ pourront s’infiltrer comme serviteurs d’appoint et faire le casse que même Bilbo n’aurait pas trouvé à redire !

“Le prochain qui me balance un 'Y a pas d’lézard', je le renvoie chez le Don pour qu’il voit ce que c’est qu'un fichu gros lézard !”

Jetons un oeil en coulisses…

J’ai presque fini ma bavouille mais il reste encore quelques points que je savais pas où caser qui font les dernière couches de charme du jeu.

Sachez qu’à la fin de votre création de perso, vous allez pouvoir tirer le crime dont est accusé votre personnage. Ce premier crime enclenche le compteur de pièce d’or sur votre tête qui reflète votre prestige parmi les vôtres et votre valeur auprès des chasseurs de primes. Et comme c’est du DD5, y a une sorte de générateur de complication de scénario que le MJ tire au début de chaque corvée, question de savoir qui vient chambouler le scénario pour avoir votre tête !

Oh et parce qu’on parle de générateur de problèmes, allez lire la table de génération de troquets clandestins. Elle est magique et chaque auberge créée est presque une aventure burlesque en elle-même !

Enfin, y a aussi moyen de personnaliser votre bande et, selon les histoires, de transformer le refuge de vos brigands. Et même si le système ne cherche pas à être complet, il offre des options qui donnent de la rondeur et de l’amour pour le « Home Sweet home » de vos personnages.

Épilogue

Sincèrement, j’ai eu un gros coup de cœur pour Brancalonia. C’est une lettre d’amour au truculent, au picaresque, qui revisite l’Italie médiévale avec une sincère affection. Rien n’est à prendre au sérieux dans ce qui est raconté, mais une fois que vous monterez sur les planches pour déclamer votre corvée du jour, la magie opérera et vous en oublierez votre quotidien. Voilà ce qu’évoque Brancalonia pour moi.

Et sinon, il a été multiprimé aux Ennie Awards 2021 (dont les prix Best Setting et Best Writing), mais ça c’est si vraiment mon avis ne vous suffit pas !

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