Dans la première partie de cette chronique, je listais les points qui m’avaient particulièrement plu dans Cthulhu Mythos : des classes sympa, de bonnes pistes de jeu, des mécanismes pertinents… Alors, d’où vient cette petite voix dans ma tête qui me laisse insatisfait ? Décortiquons !
Fiche technique
Editeur : Edge Entertainment
Pagination : 400 pages
Résumé : Dans ce guide de référence exhaustif, l’auteur du jeu de rôle révolutionnaire sur l’Appel de Cthulhu décrit par le menu plus de 100 monstres, 26 Grands Anciens et Dieux Extérieurs, quatre nouvelles races jouables, un arsenal de sorts complet, des règles inédites concernant l’usage de la magie et une avalanche d’objets magiques et d’artéfacts. Les fiches techniques minutieuses côtoient les conseils du maître sur le rôleplay, l’intégration de l’horreur dans les parties, les descriptions détaillées des cultes du Mythe et une approche inédite de la démence !
Des règles, encore des règles… mais pas d’histoires
J’ai l’impression de tenir dans les mains un guide du joueur/MJ qui se limite à poser des bases de gameplay sans s’encombrer de pistes narratives. Selon moi, c’est le gros bémol de l’ouvrage : il n’y a pas de description de l’univers dans lequel les PJ évoluent. Certes, Petersen maîtrise le Mythe et récite ses gammes avec brio : niveaux règles tout se tient.
Mais ce que j’aime avant tout, c’est voir les univers se dérouler devant mes yeux, les histoires s’écrire au fur et à mesure de la lecture. C’est sentir mon imagination s’enflammer quand je me projette dans l’univers qui est décrit.
Ici, on a surtout un ensemble de règles et de mécanismes, mais le récit ne prend pas vie.
Je suis peut-être dur, je ne dis pas le contraire. En vrai, j’aimerais vraiment pouvoir avoir un univers où je pourrais croiser des Sahaguins et des Profonds dans les mêmes mers et où les Diables ne seraient finalement pas ce qui se fait de pire. J’adorerais pouvoir taper des descriptions de folie à mes PJ à propos du carnet de note d’un magicien obscur. Petersen est une référence en matière de Cthulhu, j’aurais juste voulu qu’il me raconte une histoire au lieu de décoder le Mythe en termes de règles.
Quelques éléments en détail pour appuyer mon propos…
(Vous pouvez aussi directement sauter à la conclusion.)
Commençons par le bestiaire. Niveau des bestioles de base, y a déjà pas mal de clins d’œil à Lovecraft dans les bestiaires officiels. L’exercice (et un des points qui m’attirait dans ce livre) c’était de proposer un autre regard sur les Grands Anciens. Dans Donjon, on tue des Balor comme on va sur la Lune : tout est question de puissance et, du coup, contradictoire avec le principe d’une horreur implacable qu’on ne pourrait surmonter.
Petersen prend le parti classique de proposer d’affronter des “avatars”, et non les Dieux eux-mêmes. Ces confrontations épiques proposent des défis sympa et variés. Certains de ces avatars ne s’affrontent pas, il faut juste leur survivre le temps qu’ils se lassent. D’autres ont plusieurs phases de combat et demandent d’adapter sa stratégie en fonction. En bref, hormis le fait que le chapitre prend beaucoup de place pour des créatures que vous ne sortirez probablement pas souvent, c’est plutôt sympathique.
Par contre, je suis moins emballé avec les races non jouables du Mythe, les profonds et les Tcho-tcho. C’est une retranscription, sans contexte particulier, des récits de Lovecraft.
Pareil pour les ouvrages occultes. Tous les ouvrages du Mythe existants sont repris tels quels, origines comprises, sans originalité. Je sais pas vous, mais je trouve qu’un Necronomicon écrit par une liche sur de la peau de licornes nouveau-nées, ça aurait eu quand même plus de gueule.
Enfin, les Contrées du Rêve sont intégrées comme un nouveau plan dans la cosmologie. Petersen nous explique comment le temps s’y écoule et décrit les dangers de la téléportation vers ou depuis les Contrées. A côté de ça, malheureusement, aucune mention des autres plans connus dans Donjon ni de comment les incorporer. Quid des diables, anges et autres créatures extra-planaires ? Quelles créatures “classiques” auraient pu être des natifs de ces plans ?
Bon, et Conan alors dans tout ça ?
Finalement, je ne sais pas vraiment à qui s’adresse cet ouvrage : au fan de Cthulhu ? Oui mais est-ce qu’il est fan de Donjon pour autant ? Et le fan de Donjon, aurait-il été conquis par un énième complément de règles ?
Alors voilà, on va dire que je critique sans proposer de solution, mais j’ai encore un tour dans mon sac ! (ou plutôt, encore un livre dans ma ludothèque). S’il y a un univers qui intègre le Mythe dans un univers med-fan avec cohérence, en servant efficacement ces deux références, c’est bien le jeu de rôle Conan OGL. Et en D20 en plus, s’il vous plaît !
Conan intègre Cthulhu dans son univers. Les Grands Anciens sont présents aux côtés d’une tripotée d’autres dieux sans que cela ne soit choquant. J’irai même plus loin, la présence d’hommes-serpents priant Ygg est une valeur ajoutée à l’univers sombre du Cimmérien.
Il y a des règles de corruption qui s’intègrent pleinement à l’univers car la magie y est, par essence, corruptrice.
Le fait que je n’ai même pas pensé à ce jeu au début de la rédaction de ma chronique prouve que le mariage est harmonieux.
En bref
Honnêtement, j’ai beaucoup eu de mal à écrire cette chronique, car j’aime Donjon, j’aime Cthulhu, et je voulais croire en l’ouvrage. Voilà pourquoi j’attends avec impatience la future campagne évoquée par Edge, qui je l’espère, fera taire cette petite voix et me remettra sur les rails (gluants) de l’aventure !