Le soleil riait à gorge déployée, les oiseaux saluaient le retour des gens dans la rue, c’était presque officiel, le confinement c’était du passé. Le Quarantenaire se gratta son ventre velu en remuant du museau, un peu perdu, la liberté était trop grande. Il se détourna donc de sa porte et partit s’enfermer dans la cave dont on disait que les 25 strates étaient tout aussi infinies qu’un brin redondantes ! Aujourd’hui petite chronique sur un de mes achats aléatoires, « Le donjon du mage dément » !
Fiche technique:
Editeur: Novalis
Pagination: 320
Résumé: Dans la cité de Waterdeep se trouve une taverne, le Portail Béant, qui doit son nom à la vaste fosse dans sa salle commune. Un donjon labyrinthique, où seuls les plus téméraires osent s’aventurer, s’étend au fond de ce puits croulant. Connu sous le nom d’Undermountain, ce donjon est le domaine du magicien dément Halaster Blackcloak. Le Mage dément a vécu longtemps dans ces profondeurs désolées, en peuplant son antre de monstres, de pièges et de mystères. Dans quel but ? Cette question est une source permanente de spéculations et d’inquiétude. Cette aventure est la suite de Waterdeep : Le Vol des dragons et permet aux personnages de niveau 5 ou plus de progresser jusqu’au niveau 20 s’ils explorent la totalité de l’antre d’Halaster. Vingt-trois strates d’Undermountain ainsi que le refuge souterrain de Skullport sont décrits en détail. Les trésors et les secrets ne manquent pas, mais attention où vous mettez les pieds.
« Quand ton mj te demande ce que tu fais les 52 prochaines semaines, avec un regard coquin caractéristique, méfie-toi. C’est sans doute moins salace et plus besogneux que ce que tu crois et tu risques d’y laisser plus que ton poids en chips et torche »
Cette campagne n’a pas vraiment bonne presse. Elle fait suite à l’excellent « Vol des dragons » en changeant radicalement de ton. La première campagne est une aventure urbaine, fort orienté interprétation de personnage, avec une ville tiraillée entre plusieurs factions ayant chacunes leurs objectifs, à une seconde campagne qui est … Bah… Un méga donjon à l’ancienne. C’est un peu un mauvais grand écart d’un ours en tutu qu’on n’aurait sans doute pas voulu voir. Néanmoins y avait du potentiel, c’est quand-même l’antre d’Halaster, un des mages les plus emblématiquement dangereux des Royaumes Oubliés, mais ça ne semblait pas suffire. Achat donc fait, lecture achevée, pour un avis moins négatif que ce que j’aurais pu m’attendre. Passons cela en revue.
Alors concrètement c’est un méga donjon de 23 strates avec des cartes qui font passer la France pour une province à côté. D’ailleurs c’est simple, vos pjs vont passer 15 lvl sans voir la lumière du soleil (enfin en tout cas pas de lumière naturelle), c’est dire. Si vous êtes totalement allergique à ça, fuyez mais alors loin. Remarquez que je me demande même pourquoi vous auriez eu un doute, y a le mot donjon dans le titre. A la fin y a Halaster, fin de campagne merci !
Présenté comme ça, je reconnais que je n’envoie pas du rêve. C’est d’ailleurs là que la plupart des chroniques s’arrêtent et je ne leur reproche pas parce que c’est simplement la vérité. Elles soulignent aussi la beauté du matériel (une habitude agréable chez Wizard) et la qualité des rencontres globalement mais.. En effet ça restait juste un gros donjon…
« Et tout à coup, fracas de tonnerre ! En fait l’auteur de la pièce était ta mère et en même temps en un Beholder. Ouais moi c’est comme ça que j’écris mes campagnes ! »
Mais… Mais et si en fait on ne s’était pas trompé sur le but de cette campagne ? Et si ce n’était pas un donjon mais autre chose ? Là on va rentrer dans le pourquoi je l’ai aimé, moi, ce livre plein de plans et de chiffres !
Le Donjon du mage dément ce n’est pas un donjon qu’on rejoint par “l’Auberge du portail béant“ ou par “l’Underdark”, non. C’est un univers à part entière régenté par ses propres lois (La magie n’est pas toujours une amie), nourrit des influences extérieures (Des maisons nobles déchues, des maisons drow en recherche de puissance, etc…), façonné par les conséquences de ceux qui y sont mort (Il y a là bas quelque part un extérieur convoqué, prisonnier pour toujours), tout cela sous le joug d’un démiurge dément (Halaster of course). Ce monde a même son propre havre, Skull Port, permettant à tous de se retrouver dans une zone « neutre ».
Je me prends à lire tout ça et d’imaginer, non des aventuriers qui vont tailler le gras, mais des hérauts de factions venus se battre pour imposer leur royaume parmi les autres. Des champions capables d’affronter les plus grands périls, de s’allier à l’improbable pour imposer la volonté de leur dirigeant. Ca je l’imagine et je perçois dans ces luttes dantesques des discussions avec Halaster lui-même. Lui qui n’est plus simplement le maître des lieux mais un dieu amoindri par sa création cherchant à y trouver un sens.
Dans cette lecture il y a quelque chose qui me parle, quelque chose de différent. Chaque Strate devient un territoire à faire prospérer pour mes joueurs avec son lot de pnjs à rallier ou vaincre. Et si je crois en cette interprétation c’est aussi parce qu’à la fin de la description de chaque strate, les auteurs proposent une évolution de celle-ci, selon les actes des joueurs ou les lubies d’Halaster lui-même. Pourquoi faire cela alors que finalement on est là pour fragger du monstre ? Pour moi c’est un peu comme si les auteurs du jeu avaient perdu, comme le maître des lieux, le fil de leur œuvre et qu’elle prenait vie, avec ou sans leur consentement.
Conclusion
Voilà pourquoi je l’aime finalement ce « Donjon du mage dément » parce qu’il est sans doute un donjon un peu bancal mais une œuvre étrangement organique aux rejetons nombreux et surprenants. Et si vous trouvez que mon analyse est un peu tirée par les cheveux, en voici une deuxième pour conclure :
Halaster n’est pas un mage dément, c’est un Mj qui n’existe que parce que des joueurs viennent vivre des aventures chez lui. Ce donjon n’est pas un simple donjon, c’est littéralement 23 écosystèmes fragiles de factions qui s’affrontent pour une suprématie tout aussi précaire. Chaque strate (sauf la première et la dernière) nous parle de ces gens qui ont été arrachés de leur bestiaire respectif pour servir de gros bras à Halaster. Chaque strate est un hommage aux œuvres ratées du mage dément et de ses disciples, qu’on mettrait quelque part dans une note de bas de page. Y a même des strates à thème pour réveiller l’intérêt des joueurs, car on peut y chanter dans une et vivre son propre Fort Boyard dans l’autre. Tout y est pour qu’un Mj prenne corps dans le jeu et incarne un protagoniste pleinement. Halaster n’est pas fou, il est juste pleinement conscient de son réel rôle dans ce monde. Convaincre du plaisir de jouer et peut être former un nouveau Halaster pour perpétuer son œuvre. Un Mj pour tous les réunir, un Mj pour en faire des Mj !