Aujourd’hui, j’aimerais vous parler de l’Hérésie Cathare !
Qu’est-ce que donc que ça, mon bon Quarantenaire ?
C’est une campagne proposée par Arkhane Asylum et débloquée en palier lors du financement participatif pour la sortie française de l’édition vingtième anniversaire de Vampire Dark Age.
Le genre de truc qui donne envie de participer au financement pour faire sauter les paliers afin d’avoir plus que simplement une traduction. Avec les risques de retard, tout n’est pas rose, mais la création originale, c’est jamais aisé. Surtout que Vampire Dark Age, mine de rien, n’avait pas encore eu sa campagne “française”.
Pour autant, et bien que le catharisme ainsi que la culture occitane du XIIè siècle soient des sujets intéressants, je n’avais pas passé le cap. Faute d’agenda de disponibilité et une obscure hantise de ne pas savoir maîtriser le médiéval historique sans tourner à la page Wikipédia. Quelques années plus tard, mes joueurs se motivent et me convainquent de lancer le chantier en mode “C’est une campagne pré-écrite, ça va t’aider”.
Très vite, j’ai (un peu) pleuré devant certaines informations manquantes, j’ai apprécié certaines techniques de jeu proposées et j’ai rajouté des Fées (on a jamais assez de Fées) ainsi qu’une bonne dose de théologie de comptoir du bistrot d’en face. Au final, mes joueurs (enfin là je vous dis ce qu’ils me disent, mais je pense qu’ils veulent me faire plaisir parce qu’ils aiment bien le “gentil tonton radoteur des dîners de famille”) ont apprécié l’affaire au point de renouveler pendant trois ans leur accord à poursuivre la campagne.
Pour Guilhem le Tremere (dit “Guigui” l’infernaliste à son corps défendant), Michaela la Toréador (dite “Michmich” qui change de nom et d’avatar chaque saison), Père Bernat le Lasombra (“Jojo” qui ne voulait que le bien de tous), Angelo Giovanni, le seul bon gars profondément humain, Mathieu le Nosfératu, seul vampire catho et inquisiteur et enfin Judith la Cappadocienne, la Scully locale, j’avais envie de vous en faire une chronique parce que trois ans c’est passé tellement vite et avec tellement d’amour de la part de ce groupe qu’il fallait que j’en laisse une trace quelque part.
Et pour ceux du fond qui ont peur des spoilers, sachez que je ne parlerai que des faits historiques qui de toute façon auront lieu quoi qu’il arrive. Le reste, c’est mon interprétation et il y a sacrément peu de chance que vous ayez la même chose un jour à votre propre table ! (Et pour les totalement curieux sur le catharisme, suivez le lien),
Fiche technique
Le Languedoc, votre demeure, est devenu la proie de l’Église de Rome. Tout seigneur, répondant à l’appel du pape Innocent III, qui y extirpera l’hérésie à la force de l’épée aura droit à sa part du butin. Les loups de France accourent. Vous êtes des créatures de la nuit.
Introduction
Je vais commencer par dire ce que n’est pas cette campagne.
L’Hérésie Cathare, c’est pas un setting classique. Pas de liste exhaustive de PNJ, d’amorce de scénarios et de ce sentiment de basculement de rapport de force comme on peut s’attendre à avoir. Qu’est-ce donc que ce bouquin alors ? Je vais citer le livre :
Le conteur que vous êtes, le temps d’une chronique, prend le titre de Troubadour (ou de Trobairitz). Vous faites vivre aux joueurs une histoire de chevaliers et de princesses, où les protagonistes ont toujours Dieu et l’honneur au cœur. Seuls les naïfs autour de la table oublieront qu’il s’agit du Monde des Ténèbres, où les histoires finissent mal, en général. Vous adoptez une partie des codes des troubadours occitans. Vous chantez la Chanson de l’Hérésie cathare, avec son exordium (sa phase d’exposition), ses strophes débordantes d’exposition (les scènes des trois scénarios) et sa tornada (courte conclusion).
Alors oui présenté comme ça, ça fait un peu langage soutenu et effet de manche, mais pour être tout à fait honnête de un : le WoD avait déjà amorcé cette tendance avec la notion de Conteur plutôt que MJ à l’époque et ensuite c’est clairement la volonté des auteurs et c’est assez fidèle à la proposition de jeu.
L’idée c’est de chanter une histoire, sans doute pas exactement comment elle s’est passée dans les canons officiels du WoD, mais comme le raconterait un troubadour à une table d’Anciens. L’Histoire avec un grand “H” est tenue mais les détails sont laissés à l’inspiration de la Chanson.
La Campagne point par point
Le Prélude
Pour la campagne, les joueurs vont devoir endosser des rôles. Attention que ce n’est pas des pré-tirés, ce sont des rôles de la Chanson que choisiront les joueurs et qu’incarnent, via des scènes dédiées, les personnages. Ces rôles répondent au doux nom de : “L’Ami des Bons Hommes”, “Le Champion de l’Amour”, “Le Défenseur de la Paix”, “L’Héritier de l’Avenir” et “Le Juste”. Chaque rôle est exposé dans ces embranchements scénaristiques et propose un PNJ mortel à rajouter à la liste des relations du joueur.
Afin de compléter l’idée de rôle, y a aussi une liste d’inspirations pour les personnages en eux-mêmes. Honnêtement, ça donne de bonnes idées, ça demandera du contexte parfois et de la recherche pour bien cerner le personnage, mais ce sont des ébauches au top. Bonus : ils se marient totalement avec les rôles et qui plus proposent des accroches d’évolution.
Si vos joueurs n’aiment pas ce qui est pré-écrit, le livre vous aiguille sur les informations importantes à dispatcher entre les personnages venant des pré-tirés proposés ainsi que des pistes des scénarios potentiels.
Ça, c’est pour les bases et c’est plein de promesses. C’est juste que, si vous êtes MJ, vous allez vite comprendre qu’une grosse partie des informations proposées n’ont pas de développements satisfaisants plus loin dans la campagne et qu’il faudra les créer et les nourrir si vous voulez que ça prenne de la valeur.
En fin de prélude, un très rapide état du reste du Monde des ténèbres avec un aperçu suffisamment vaste pour caser des momies. C’est comme pour le reste : fort succinct, mais si vous aimez les crossovers, vous avez des bases !
Chapitre 1
Le Chapitre 1 raconte Béziers et sa chute. Moment historique super important et particulièrement sombre. Je ne peux que vous conseiller de vous renseigner si vous êtes curieux.
Pour le mettre en scène, le livre propose une approche intéressante. L’idée est de faire un récit anti-chronologique où chaque scène mettant en avant tel ou tel rôle de la Chanson se passe avant chronologiquement la scène que vos joueurs viennent de jouer. C’est en même temps sacrément confusant parce que ça demande de faire des choix en aveugle mais ça donne un aspect intéressant, je trouve, à l’action. Cela rend le personnage moins rectiligne et plus vivant.
À noter que pendant les scènes dédiées à un rôle, les autres joueurs vont pouvoir interpréter non leur propre personnage mais des personnages présents pendant ces moments de l’histoire.
C’est agréable comme procédé et ça donne au récit et aux personnages un côté plus vivant, car nourri de contradictions et de voix différentes. J’aime bien le processus et même si je l’ai appliqué partiellement (j’ai fait l’ordre chronologique), l’implication des PJ dans plusieurs scènes maintenait l’attention du groupe et leur donnait des informations hors-jeu sur l’univers sans avoir le côté dogmatique d’un MJ qui explique.
Quant au final, c’est un sacré bain de sang avec un taux de mortalité particulièrement élevé qui, et j’apprécie, prend quand même le temps d’introduire des enjeux futurs sans avoir l’air d’y toucher.
Chapitre 2
Le second chapitre propose un scénario plus classique avec une guerre des Princes pour le trône de Toulouse. On vous propose un candidat, des gens à convaincre pour le faire monter sur le trône et une liste rapide des factions et de leurs représentants. Le tout est enroulé de scènes qui font avancer des intrigues, proposent des choix moraux et mettent les rôles à l’honneur. Dans les scènes de rôle, y a pas mal de petites histoires à faire vivre et en guise de prélude, y a un scénario avec le candidat au trône qui pose une ambiance presque mystique que j’ai appréciée. Le tout est assez classique avec un dénouement qui habituellement fait office de conclusion de chronique.
Sincèrement le manque de contexte inhérent à la Chanson ici pèche le plus. Difficile d’impliquer des PJ dans cette course au trône où de leur laisser le choix de qui montera sur le trône faute de développement de l’intrigue. Quant à la possibilité de hisser un PJ sur le trône comme proposé, il faudra un sacré piston du Troubadour pour que les PJ y pensent d’eux-mêmes.
Néanmoins, si on admet que cette histoire n’est qu’une marche dans la vraie histoire, celle du salut des âmes, alors le matériel y est. Des alliances vont se sceller et à travers elles, la suite va se dessiner. Sous cet angle, et si vous ne cherchez que la Chanson : cette partie doit être préparée comme un “faux à-côté” avec son lot d’importantes conséquences. Les PJ peuvent y goûter, là où les personnages n’en prennent pas conscience.
De mon côté, dans le cadre d’un setting plus étendu, j’ai pris un an pour faire arriver mes joueurs à Toulouse, s’installer en ville avant d’introduire la guerre du trône. Et ils sont arrivés à la même conclusion que le livre sur le choix du candidat (parfois au regret de certains personnages), l’histoire tombait juste.
Chapitre 3
Enfin l’acte 3 avec les vrais enjeux qui sont le salut (ou non) des âmes d’un côté et la clôture d’une époque avec la chute de la forteresse de Montségur (autre gros événement de l’Histoire).
Il est très apuré. Il y a des gens au pied de Montségur, d’autres à l’intérieur, le déroulement du siège à travers quelques scènes d’action et potentiellement de la diplomatie mais le tout est concentré dans le dernier bûcher, celui qui clôt l’histoire.
Je suppose, et je me fais l’analyste de l’auteur, que la plupart des événements autour découlent des décisions des joueurs et que donc il aurait été difficile d’être complet dans la proposition. Ça m’a demandé pas mal de boulot. Je pense que même en respectant l’esprit de la Chanson, c’est le chapitre où il faudra le plus bosser.
En bonus (la tornada, citée plus haut), une dernière scène en gage d’épilogue qui vient tout raccrocher à non l’histoire de l’Humanité mais bien à celle vampirique. Un épilogue amer mais parfaitement dans le ton du Monde des Ténèbres.
Et avec le recul ça donne quoi ?
Après trois ans, je ne regrette rien ! Là, à la fin de mon histoire, je me dis que dans d’autres temps, j’aurais sans doute suivi la campagne prévue, car ça aurait été tout aussi bien.
Ça n’aurait pas été aussi long mais les thématiques et l’intensité de ce qui se passe auraient été les mêmes. Moins chargée de l’investissement dans les personnages, c’est l’Histoire qui aurait été le moteur de la réussite du tout.
Sachez qu’importe l’orientation avec laquelle vous voulez aborder votre chronique, le matériel fourni vous sera utile. Il donne une direction, des esquisses de ce qui peut exister et surtout une gourmandise (j’aime bien ce mot) de ce que l’époque pouvait être. Même si vous ne faites que vous en inspirer, vous allez pouvoir vous appuyer dessus. Sur lui et sur le complément France by Night que je conseille quand même vivement en second achat. Même s’il ne fait que survoler la France (et qu’il se situe plus tard dans la chronologie de France), c’est finalement l’effet chef d’orchestre. Ça aide à trouver le ton juste pour son coin de Toulouse qu’on veut raconter.
PS : Je voulais le marquer quelque part, mais la petite touche du long de l’histoire : c’est que les PJ auront clairement aidé à la naissance de l’Inquisition tout au long de la Chanson. Non pas qu’ils en soient conscients ou même convaincus, mais par leurs choix et leurs actes, ils seront les parents de la Faucheuse qui tuera cette époque.
En bref
L’Hérésie Cathare est le genre de bouquin qui demande du temps pour être correctement dompté. Il vous chante une chanson mais il attend de vous que vous appreniez tout tout seul. C’est sans doute le genre d’investissement que demande le monde des ténèbres par excellence surtout s’il se veut historique, ça ne devrait pas surprendre comme conclusion mais c’est toujours bon de le rappeler.
Pour ma part je remercie Arkhane Asylum et Cyril Pasteau pour avoir créé ce bouquin. Il est original dans son approche et donne l’impulsion suffisante à attaquer une période si riche de la France ! Pour ma part, je pourrai retirer de ma liste des projets maudits “Raconter une histoire vampirique sans que ce soit trop chiant” ! (Il m’en reste encore quelques autres, promis je ne suis pas en manque de frustrations rôlistiques 😀 )
C’était le Quarantenaire et je vous dis à bientôt !