Le Quarantenaire n’est pas un homme de bonne foi. Il achète des livres pour se la ramener en société et idéalement il les prend colorés mais jamais il ne les lira tous. Forbidden Lands fait partie de ces collections prestiges ( 4 Ennies Awards en 2019 : Silver Product of the year, Silver Best Rules, Gold Best Cartography et Gold Best Production Values) qui était de bon ton de connaître en soirée rôliste même si, comme le Quarantenaire, on l’avait acheté sans jamais l’avoir ouvert.
Afin de satisfaire l’injonction actuelle de se lustrer le cerveau, et convaincu que sa re-re-relecture du coquin « Panty Explosion » ne satisferait pas ses cercles de lecture, il se décida enfin de prendre la boîte primée et de la lire. Il y eu des fulgurances jouissives, des murmures approbateurs et un petit rot rétro avant qu’il n’en ait fini les ouvrages.
Vous l’aurez compris, ca va cultiver ferme !
« Les frères de la Rouille veillent sur les petites gens et s’assurent qu’aucune mauvaise herbe n’y poussent »
Commençons par parler setting !
Forbidden Lands vous propose un open world medfan post apo.
Open parce que le jeu se veut résolument sur l’exploration et ses mystères à découvrir. Vous avez une carte et vos explorateurs vont s’atteler à l’arpenter. Post Apo parce que les dites terres ont connu les ravages d’armées démoniaques avant d’être coupées du monde par un épais brouillard rouge mortel, empêchant le voyage. Clairement le coin n’a rien à envier aux autres classiques niveau scoumoune ! Et enfin Medfan parce que l’univers se base sur les classiques: Elfe, nain, orc, mage et autre divinités qui font le bonheur des licences.
L’ensemble est vendeur et parcouru de bonnes idées qui ont su me plaire.
Par exemple les orcs vivent dans une société matriarcale. La raison est principalement anatomique. Les mâles ont des dents proéminentes qui leur empêchent de prononcer certains sons, limitant ainsi toute position d’autorité. Les femelles qui ont donc une mâchoire, certes solide, mais fonctionnelle, sont donc les meneuses de cette race. Elles jouent de cette différence jusqu’à prendre des noms imprononçables pour leurs homologues masculins.
Je pourrais aussi citer les elfes qui sont des joyaux (au sens littéral) capable de faire naître la chair autour. Cette notion explique l’immortalité des elfes (Le joyau régénère éternellement la chair) et la juvénilité de leurs traits.
Autre bon point du livre, les factions. D’un côté les Frères de la Rouille qui sont des sortes de veilleurs malsains s’assurant de la probité de leurs prochains et de l’autre les Sœurs Corbeaux qui, elles, sont des sorcières aussi étranges que évanescentes. Il y a un côté Salem dans l’idée qui m’a pas mal plu.
Si, et c’est là que le bas blesse, je devais refroidir la beauté de l’histoire, c’est que cependant, impossible pour moi, après avoir lu livre, d’imaginer la vie de tous les jours d’habitants des terres. Où même de concevoir la période du brouillard. Pas d’aide suffisamment parlante pour concevoir le quotidien d’une région particulièrement gratinée.
« La Sœur Corbeau ramassa les cendres de sa défunte compagne et jura de faire brûler le village comme ils l’avaient fait de son aimée »
Niveau matos, je préviens y a du cachet !
On a donc dans la boîte:
Deux livres en simili cuir qu’on aimerait que tous les livres de jeux de rôles fassent pareil pour avoir une biblio de gens de belle société. Ils reprennent un livre du joueur et un livre du mj aux graphismes visuel oldies bien réussi.
Une carte que l’on peut étaler sur la table pour le plaisir de tous. C’est le genre d’ajout qui amène du cachet aux parties, surtout dans le cadre d’un jeu d’exploration. La carte est grande, l’envie de la parcourir est là. Et là on vient y ajouter des autocollants (Alors ne riez pas parce que ça a été l’argument ultime de ma balance) qui permettent d’indiquer les endroits importants sans usiter de crayons et des talents des joueurs. Et petit plus la carte est recto-verso pour offrir une seconde vie à l’ensemble. Bien vu de la part de l’éditeur !
Enfin vous avez un livret papier avec création de backstory pour les personnages. Rien d’ébouriffant mais ça à le mérite d’être là et d’apporter un peu de chair autour des stats de nos avatars.
« Gerulf, chaque matin, embrassait son épouse et remerciait les dieux qu’ils soient encore vivants. Il pouvait pas dire que demain serait mieux qu’aujourd’hui c’est sûr mais au moins les gobelins n’avaient pas encore découvert sa masure et c’était déjà ça de pris »
Niveau règle, on est sur un système connu et éprouvé (Le year zero machine). En gros vous décrivez votre action et le mj décide la compétence la plus appropriée. Vous jetez ensuite un nombre de dés égal à la compétence, un nombre de dés égal à l’attribut lié à la compétence et un nombre de dés bonus selon l’équipement (Idéalement les trois sets de dés ne sont pas de la même couleur). Chaque ‘6’ était une réussite.
Vous pouvez toujours forcer le jet en relançant tous les dés qui n’ont pas fait ‘6’ ou ‘1’. Dans ce cas chaque ‘1’ sur les dés d’attribut provoque une blessure et chaque ‘1’ sur les dés d’équipement diminue le bonus futur de celui-ci.
On peut citer aussi l’équipement consommable (Les flèches mais aussi la nourriture et l’eau) s’utilisent avec un jet de dés. Sur un ‘1’ ou un ‘2’ vous avez épuisé celle-ci, sinon ca continue. J’aime bien, c’est ludique et surtout on évite la gestion de l’inventaire en Excel.
Les mjs ne sont pas en reste puisqu’on peut trouver un générateur d’événements aléatoires. Afin d’agrémenter le voyage des joueurs, il permet de ne pas rencontrer qu’un gros tas de monstres (Alors en revanche y a quand même moyen de tomber sur des marchands cannibales avec des tentacules si les dés sont contre vous mais moi je dis que ça se tente). A noter en sus, un générateur de légendes pour créer ses propres quêtes auxquelles je vous conseille de rajouter mon exemple parce que rien que lui c’est de l’épique !
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« Aubert le tabergiste essuyait pensivement son godet. Clairement il cherchait à quel moment ça avait merdé comme ça… Sans doute quand un gobelin unijambiste s’était débarqué pour proposer une pomme… Ca où la harpie qui cherchait une omelette de griffon… La vie était quand même étrange depuis que les aventuriers se pointaient »
Concrètement Forbidden Lands tient ses promesses. Son matériel est nickel, le système de règle est bon sans être trop simpliste et il se dégage une saveur oldschool comme promis. Si je devais m’en arrêter là, ce serait un sans faute.
Seulement, concrètement, après lecture je confirme ce que je craignais. Le tout n’est pas trop ma came. L’univers souffre des tares d’époque. Je veux dire dans le bon vieux temps, on avait des mondes qu’on nous balançait sans rougir, pleins de contradictions et de lacunes avec des raccords (quand il y en avait) mal-ficelés.
On pouvait sentir le souffle de l’épique, imaginer les donjons à parcourir, renifler le souffre de la gueule d’un dragon, mais on était infichu de pouvoir expliquer comment le gars du peuple vivait. D’un autre côté, on s’en foutait parce qu’il n’était pas l’aventurier remarquez.
Mais est ce reprochable quand c’est exactement ce que le jeu cherche à reproduire ? Pas vraiment, et du coup je suis content de l’avoir dans ma collection. En plus, c’est mon paradoxe de Quarantenaire : je suis curieux de la suite que j’ai pledgée et de la lire tout en sachant que je ne le maîtrisai sans doute pas. Cherchez pas, moi-même je me perds dans mes logiques.