Review (VO) : Vaesen

Commençons par une confession made in Quarantenaire. Saviez-vous que la truffe qui vous sert de narrateur a cru pendant un moment que « Fria Ligan » était un nom d’auteur avant d’avoir une épiphanie gênante et de réaliser que c’était simplement « Free League » en suédois, c’est-à-dire la boite d’édition. J’ai pas osé me regarder dans un miroir pendant quelques jours sachez-le !

Si je vous fais cet aveu, ce n’est pas uniquement pour expier ma faute mais c’est parce que j’ai reçu récemment Vaesen, un jeu de rôle gothique sombre prenant place dans les mythes scandinaves. Vaesen propose aux joueurs de devenir investigateurs occultes dans la Suède du XIXème siècle. Ces investigateurs ont la particularité de voir l’invisible et d’avoir un pied dans le monde surnaturel, faisant d’eux autant des proies que d’excellents chasseurs des monstres qui se cachent des yeux des mortels.

Le jeu dans les mains, je peux dire (c’est un spoil je sais) qu’il m’a bien plu. Il s’est lu sans difficulté, peuplé de créatures qui ne demandent qu’à prendre vie dans des histoires et petit plaisir coupable, son écrin est tip top impecc.

On est donc parti pour les terres lointaines d’Uppsala pour une petite chronique de rentrée !

Fiche technique

Editeur: Free League

Pagination: 350 pages

Résumé: Vaesen – Nordic Horror Roleplaying est un jeu de rôle de Nils Hintze, basé sur le travail de l’illustrateur et auteur suédois Johan Egerkrans. Vaesen présente un univers gothique et sombre, imprégné du folklore nordique et des vieux mythes de la Scandinavie.

« Un cheval cannibale c’est un peu la revanche de Stewball non ? »

Entrons dans le vif de mon coup de cœur en parlant du bestiaire de Vaesen. Le concept du jeu, on est d’accord, c’est bien de jouer des investigateurs qui combattent des monstres du mythe nordique. On est en droit d’attendre un bestiaire exhaustif avec des stats et un descriptif succint, question d’avoir quelques pistes.

Vaesen en a clairement magnifié le concept. Déjà les dessins de Johan Egerkrans sont parfaits. Ce n’est pas un hasard, me direz-vous, puisqu’ils sont la source d’inspiration du jdr. Résultat, les mots et les images donnent un aspect hors du temps avec ce côté illustration d’un livre occulte que l’on pourrait trouver dans le jeu. Un peu inception, surtout évocateur sans être réaliste, totalement utilisable. C’est cool.

Ensuite chaque créature a droit à sa double, triple page avec une explication de ce qu’elle est, de ce qu’elle peut faire, de ses faiblesses. En bref le package pour pouvoir incarner la créature mais mais… en prime, pour chaque monstre, on trouve trois accroches de scénario les mettant en scène. Et ces accroches, mes amis, sont nickels , suffisantes pour jouer un petit scénario facile à mettre en place.

Ce qui veut dire que votre bestiaire est directement prêt à l’emploi. C’est littéralement vingt-neuf scénarios proposés avec un casting qui va de la classique « sirène » en passant par le « Church Grim » – inconnu au bataillon en ce qui me concerne.

Et parce que le MJ est un petit inventeur fou dans sa cave, il y a une section pour créer ses propres bestioles avec son système de règles relativement fluides.

Bien complet tout ça !

"tadatadatada" Ainsi font les Dents du lac de Guther Spielburg

« Le Lindworm c’est un peu le dragon Ikea dont on aurait oublié de te donner les ailes à monter »

Autre point marquant pour moi, le manoir ! Il faut savoir que, lors  de la campagne de financement participatif, les auteurs avaient mis en avant le fait que les joueurs pourraient gérer un QG. C’est typiquement le truc qu’on rajoute, habituellement, pour faire mousser le tout sans savoir exactement comment ce sera utilisé. En résumé, c’est souvent facultatif, bien souvent mal pensé et donc totalement oubliable.

Dans Vaesen, les joueurs sont les héritiers d’une organisation qui combattait jadis les forces occultes. Cette organisation s’est éteinte dans des conditions mystérieuses et sa seule survivante, c’est une vieille dame dans un asile. Vieille dame qui offre le manoir aux perso. Ca fait très Cthulhu certes, mais en soit c’est une manière efficace de légitimer cette base d’opération.

Ce manoir est un lieu peuplé d’histoires et de secrets à exhumer qui vont rythmer la campagne, en faisant un personnage à part entière. Niveau règles, c’est bien géré avec moult améliorations possibles qui apportent des bonus variés et quelques surprises (Sachez que la flagellation n’est pas un tabou dans Vaesen mais dans un but purement purificateur hein, je vois venir les 50 nuances de lecteurs que vous êtes).

C’est un soulagement pour moi car j’aime bien les « home sweet home » en jdr. Que j’y sois joueur ou meneur, j’aime donner corps au quotidien des personnages et de dessiner un endroit familier qui doit devenir l’âtre devant laquelle se reposer entre deux aventures.

Le Bad Hair Day est une malédiction qui peut toucher absolument n'importe qui.

« Le bonbon salé ,c’est la hantise des fantômes. Impossible pour eux d’entrer dans une confiserie suédoise digne de ce nom »

Et pour finir pas les bons points d’amour, je me dois de parler des aides de jeu.

La partie sur la Suède est assez intéressante. Tout d’abord, il y a un préambule sur la volonté de l’auteur de ne pas préciser trop l’époque du jeu afin d’offrir plus de latitudes aux ambiances recherchées. Ca donne le ton, le cadre est fourni mais pas exhaustif permettant à chacun de faire sa « Suède ». Concernant Uppsala, on rentre plus dans le détail (Y a même une carte) mais c’est logique, les personnages vivent là-bas.

Le chapitre MJ sur l’univers m’a particulièrement surpris. Habituellement, je n’aime pas les jeux qui ne dévoilent pas tous les secrets de l’univers dans le bouquin de base.  Pour moi c’est rédhibitoire, parce que j’ai l’impression que j’ai un livre incomplet. Soit je vais devoir attendre que la gamme publie la suite et en attendant je vais pas oser maîtriser de peur de contredire ce qui va être publié, soit j’aurai le sentiment de finir le boulot d’un autre gars. Et ici le chapitre donne des pistes sans vraiment les explorer, pile poil la première catégorie. Et bien là ca ne m’a pas dérangé en fait. Le cœur du mystère n’est pas le centre du jeu. Ce qui importe, c’est la chasse et tout ça est parfaitement décrit dans le bestiaire. Ce chapitre en devient plus une réflexion de l’auteur sur la naissance de son mythe et la façon de l’aborder et vient donc couper l’herbe sous les pieds de mes grommellements.

Quant au chapitre Règles, elles sont basées sur le même système que le reste de la gamme (Year Zero Engine), avec des adaptations pour l’univers. Principalement des règles liées à la folie et à des rituels pour affronter l’horreur.  Le système tourne sur les autres jeux, pas de raison que ça ne marche pas ici.

"Pour qui sont ces corbeaux plein de dents qui croassent sur nos têtes ?"

Conclusion

Vaesen rejoint mon avis sur la gamme « Fria Ligan ». Les jeux sont calibrés pour une utilisation immédiate, ne s’embarrassent pas de fioritures ou de disgressions inutiles. Vous savez ce que vous achetez et dans son domaine, le jeu sera efficace.

Et quant à craindre une redite d’un Cthulhu, je dirais que si les thèmes se parlent, l’objectif n’est pas le même. Lovecraft plonge le lecteur dans un monde désespéré où les luttes sont vaines car l’impensable arrivera quoi qu’il arrive. Vaesen, lui, propose de chasser des monstres dans une époque loin de nos acquis technologiques avec, à la clef, le sentiment d’avoir compté.

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